Rencontres Alumni

Conférence sur l’agroécologie à l’Institut Agro Dijon

Samedi 10 juin 2023

 

Evénement organisé par :

- AgroSup Dijon Alumni

- Centrale Supélec Alumni (section Ingénieur et Développement durable)

- INRAE Dijon

- Institut Agro Dijon

 

Merci à  Jacques Alibert (Enesad 2001),  Bruno Chauvel (Inrae), Nicolas Chemidlin (Institut Agro Dijon) et Hélène Poirier (Ensbana 1993 - Institut Agro Dijon).

Samedi 10 juin, le groupe CSA Ingénieur et Développement durable a organisé une conférence débat sur le thème de l’agroécologie à l’Institut Agro Dijon. L’intervention de trois agronomes a permis aux 46 participants d’en savoir plus sur le fonctionnement des sols, la gestion des produits phytopharmaceutiques et la place des produits d'origine animale dans l'alimentation.

L’institut Agro Dijon est un établissement d'enseignement supérieur et de recherche qui travaille dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation, de l'environnement et du paysage, et forme des ingénieurs agronomes et agroalimentaires.

Inspiré par le plan de transformation de l’économie française qui vise à proposer des voies pragmatiques pour décarboner l'économie dans les secteurs des usages, des services, de l'industrie, de l'énergie, de l'agriculture, et de de la forêt, le groupe Ingénieur et Développement durable (IDD) a souhaité ouvrir la réflexion sur les enjeux de transformation de la production agricole.

L’agriculture française, un secteur clé de l’économie, étudie et s’oriente de plus en plus vers l’agroécologie, une pratique qui apporte des solutions pour un meilleur équilibre entre l'humain, l’activité économique et le respect de l'environnement. L’agroécologie est une façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes. Elle vise à diminuer les impacts négatifs sur l’environnement, notamment réduire les GES, limiter le recours aux produits phytosanitaires, préserver les ressources naturelles, utiliser à bon escient les surfaces agricoles utiles et disponibles ; en définitive utiliser la nature comme facteur de production en maintenant ses capacités de renouvellement.1

Notre groupe, sensible aux enjeux de cette transformation, a trouvé une belle opportunité d’organiser cette conférence avec des scientifiques agronomes. Trois sujets ont été présentés :

·     Le fonctionnement des sols, par Nicolas Chemidlin, professeur en biologie des sols à l’Institut Agro Dijon,

·     La gestion des produits phytopharmaceutiques, par Bruno Chauvel, chercheur au laboratoire d’agroécologie à l’INRAE de Dijon,

·     La place des produits d'origine animale dans l'alimentation, par Hélène Poirier, professeur, directrice scientifique à l’Institut Agro Dijon.

Environ 20 personnes ont participé à la conférence en présentiel, 26 en distanciel. Grâce à la qualité des présentations, nous avons bénéficié d’une ouverture sur l’agroécologie, un domaine que certains d’entre nous n’appréhendaient pas encore très bien, et pu participer à un débat sur l’évolution de l’agriculture et de l’alimentation qui nous a rapprochés d’un sujet plus complexe que nous ne l’imaginions. 

 

I / Le fonctionnement des sols, par Nicolas Chemidlin

(cliquer sur le titre ci-dessus pour voir apparaître le powerpoint de  la présentation)

Le sol est au cœur des objectifs de développement durable et de notre alimentation car 95 % des produits alimentaires y ont leur origine. Cependant il est soumis à des menaces majeures, artificialisation, perte de matières organiques, salinisation, glissements de terrain et inondation, tassement et érosion, perte de matières organiques, contaminations locales et diffuses, perte de biodiversité. 

Les sols sont des écosystèmes, très riches en population microbienne. Cette population est d’une extrême abondance et diversité. Cette biodiversité a de multiples rôles dans le fonctionnement du sol, et est un facteur important de sa fertilité. La diversité microbiologique a un impact favorable sur les agroécosystèmes et conditionne la qualité des produits agricole. Une bonne connaissance de l’utilité des microorganismes et une bonne gestion de leur diversité sont incontournables pour mener la transition agroécologique.

Aujourd’hui, la France est la première nation à avoir développé des cartes de la biodiversité microbienne de ses sols. Le Réseau de mesure de la qualité des sols (RMQS), mis en place en 2002 par l’INRA, a permis d’établir une biogéographie microbienne. Cette analyse a révélé qu’il n’y a pas de sols morts, mais des sols plus ou moins vivants. Le constat est que les réseaux de bactéries sont moins complexes et cohésifs dans les sols agricoles. Leur fonctionnement est affecté par moins de coopération entre les espèces microbiennes. 25 % des sols agricoles présentent une faible fertilité biologique, 41 % une fertilité moyenne et 34 % une bonne fertilité, nécessitant une surveillance malgré leur qualité. Cette surveillance s’opère grâce à l’exploitation de bioindicateurs qualifiant la population microbienne ; ils évaluent la qualité des sols résultant des pratiques agricoles. Ces bioindicateurs, utilisés comme des outils, permettent d’étudier et définir de nouvelles voies de pratiques agroécologiques.   

L’usage des sols et les pratiques agricoles influent sur les propriétés des sols. En France les premiers référentiels nationaux sont mis en place dans certaines régions pour sensibiliser les agriculteurs aux impacts environnementaux de leurs activités. Ils sont utiles pour encourager le changement des pratiques agricoles pour l’amélioration du fonctionnement des sols et la préservation de l’environnement.   

 

II / La gestion des produits phytopharmaceutiques, par Bruno Chauvel

(cliquer sur le titre ci-dessus pour voir apparaître le powerpoint de  la présentation)

Les produits phytopharmaceutiques (PPP), appelés communément « pesticides », ont un impact sur la biodiversité et les fonctions écosystémiques. Tous les domaines de l’environnement, terres, atmosphère, milieux aquatiques continentaux, marins, sont contaminés par des mélanges de PPP. L’origine de cette contamination est due principalement à l’activité agricole, de l’ordre de 95 à 98 %. Les PPP sont partout. 

Les PPP impactent les différents organismes végétaux et animaux et contribuent au déclin de la biodiversité de façon directe et indirecte. La contamination par les PPP est difficile à quantifier de manière précise ; en grande partie inconnue, elle présente une grande variabilité dans sa composition chimique dans l’espace et dans le temps. Il est nécessaire d’avoir des connaissances sur les molécules récentes. Il existe très peu d’actions de suivi des effets des PPP sur l’environnement à long terme, et les méthodologies complexes d’analyse restent toujours en phase d’étude aux laboratoires. C’est le cas par exemple du glyphosate, herbicide connu pour avoir un effet indirect néfaste sur différents invertébrés en modifiant la végétation et le développement biotope utile.  

Quels rôles ont les herbicides ? Généralement ils agissent sur tous les végétaux, il faut donc prendre en compte la nécessité d’éliminer les mauvaises herbes causant des pertes de rendement, les sources de parasites nuisibles aux récoltes, les conditions de travail difficiles qui en résultent, mais a contrario favoriser l’apparition de la flore spontanée, les bonnes herbes, qui limitent l’érosion, permettent la pollinisation, la diversité, le développement des ressources trophiques. La difficulté réside à bien utiliser les herbicides en considérant le rapport : quantité de la production agricole / impacts négatifs sur l’environnement.  

Il existe des leviers d’action pour réduire les quantités de PPP :

  • Une interdiction des substances persistantes et bioaccumulables.
  • Des modes d’action sélectifs grâce à une substitution de substances, mais attention aux effets directs non anticipés et aux effets indirects non connus.
  • L’amélioration de l’efficacité des PPP à faible dose.
  • Le biocontrôle, un ensemble de méthodes pour la protection des plantes grâce aux mécanismes naturels et aux interactions entre espèces.  

L’alternative aux PPP doit être pensée comme un ensemble de méthodes à déployer pour aboutir à une maîtrise de l’agroécologie.

 

Quelle agriculture pour demain ? Des systèmes agroécologiques combinant : 

  • Une agriculture biologique permettant une gestion préventive et curative, sans perturbations de l’écosystème. 
  • La rotation des productions agricoles.
  • Une agriculture de conservation avec des couverts végétaux vivants et morts, en maintenant un désherbage chimique de post levée maitrisé.
  • Une utilisation raisonnée de technologies avancées (désherbage électrique, moissonneuses batteuses destructrices de semences de mauvaises herbes, robots désherbeurs, etc…)

Améliorer la couverture du sol, réduire le travail mécanique intense du sol, réduire les apports phytosanitaires, favoriser la rotation des cultures, plus de travail au sol ciblé, plus de technologies avancées, plus d’agriculture douce, la permaculture, l’agriculture régénératrice sont des pratiques agroécologiques efficaces, cependant ces alternatives doivent tenir compte du climat de la zone agricole et du type d’alimentation possible et souhaitée par la population.    

 

III / La place des produits d'origine animale dans l'alimentation, par Hélène Poirier

(cliquer sur le titre ci-dessus pour voir apparaître le powerpoint de  la présentation)

L’élevage est un pilier de l’agriculture car les animaux d’élevage contribuent à mieux nourrir l’humanité, permettent de valoriser les coproduits de l’agriculture et, dans le cas des ruminants, transforment les protéines de l’herbe en protéines digestibles de haute valeur nutritionnelle. Les animaux herbivores accélèrent le recyclage des végétaux qu’ils consomment et renforcent la fertilité des sols, ils maintiennent et régénèrent ainsi la biodiversité animale et végétale. Ils entretiennent les paysages, notamment les prairies qui stockent du carbone. Les animaux d’élevage font ainsi partie intégrante de l’agroécologie et donc du cycle du carbone. Ils occupent, encore aujourd’hui, la place des engins agricoles dans de nombreux pays dépourvus de mécanisation, lesquels, employés à grande échelle, sont destructeurs de l’environnement.  

La viande apporte à l’alimentation humaine une qualité nutritionnelle unique et indispensable. C’est une source de protéines de très haute qualité, facilement assimilables et fournissant tous les acides aminés indispensables au maintien d’une bonne santé à tout âge. C’est aussi une source importante et facilement assimilable de minéraux, fer (viandes rouges), zinc, calcium (produits laitiers), et de vitamines A, D et B12. Cependant la viande contribue aussi à l’apport en acides gras saturés et en cholestérol, et une consommation excessive de viande induit des risques pour la santé humaine.

Aujourd’hui, en France, le rapport de protéines d’origine animale sur les protéines d’origine végétale consommées est de 75 %, alors qu’il devrait être de 50 % selon les recommandations nutritionnelles françaises établies par le PNNS2. L’ANSES3 a actualisé les repères du PNNS :  

  • Produits laitiers : initialement de 3 portions par jour, voire 4 pour les enfants, les recommandations sont aujourd’hui de 2 portions par jour.
  • Viande et volaille : une diminution de la consommation de viande rouge est conseillée, avec un apport de 500 g maximum par semaine, la volaille est à privilégier.
  • Poisson et fruits de mer : le poisson peut être consommé deux fois par semaine en incluant un poisson gras. Il est conseillé de varier les espèces et lieux d’approvisionnement pour un maximum de diversité.
  • Charcuterie : maintenant séparée des « viandes », il ne faut pas en consommer plus de 150 g / semaine, le jambon blanc étant l’aliment de ce groupe qui est à privilégier.

Il n’est cependant pas recommandé de consommer plus de produits végétaux pour satisfaire les besoins humains en calories, en protéines et en certains micronutriments parce que cela entrainerait une augmentation des terres cultivées, avec les risques phytosanitaires associés.  Une estimation démontre que le nombre d’hectares cultivés pour nourrir une population est minimal si le régime alimentaire contient entre 9 et 20 g par jour de protéines d’origine animale. Cela correspond environ à la quantité d’animaux qui peuvent être nourris en utilisant seulement les surfaces agricoles non cultivables et les coproduits végétaux non consommables par l’homme.

La hausse de la population mondiale et de son niveau de vie entraîne une hausse mondiale de la consommation de viande, par conséquent une hausse mondiale du nombre d’animaux d’élevage. Il est donc nécessaire d’éduquer la population mondiale à ne pas surconsommer de viande, et de déployer des élevages agroécologiques utilisant seulement des surfaces agricoles non cultivables et une alimentation basée sur des coproduits végétaux non consommables par l’homme. 

 

IV / À l’issue des présentations, 30 minutes de débat ont permis d’apporter des explications complémentaires 

Questionnés, les intervenants ont rappelé que l’agroécologie est une priorité pour proposer à la population, inquiète au sujet du maintien de la qualité et de la disponibilité des produits agricoles et alimentaires, un avenir de vie plus rassurant.

Ils ont affirmé que : 

  • Les sols cultivables ne doivent plus être détruits, dégradés, et mal exploités.
  • Les systèmes agroécologiques devront se mettre en place de manière accélérée pour préserver la qualité des produits agricoles, l’environnement, la biodiversité au plan national et mondial ; une volonté politique coordonnée est urgente.  
  • Une bonne nutrition humaine avec un meilleur apport en protéines animales, végétales, lipides, glucides, minéraux, vitamines et une éducation nutritionnelle des enfants feront partie intégrante des systèmes agroécologiques.  

L’agroécologie doit se déployer pour que des leviers agronomiques innovants apportent des solutions au besoin d’améliorer de manière pérenne les conditions de vie humaine.

 

Jacques Alibert, Yves Barriol, membres du groupe professionnel Ingénieur et Développement durable

 

  1.  Qu'est-ce que l'agroécologie ? | Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
  2.  PNNS : Programme national , nutrition, santé.
  3.  ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail

 

 

Source : article CentraleSupelec Alumni